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Le déni de grossesse en droit pénal français

Le 5/14/2019

Quelle est la place du déni de grossesse en droit français ? Les affaires judiciaires de ces dix dernières années relayées par la presse ont mis en lumière ce phénomène pourtant très ancien. Cet article est l’occasion d’analyser les questions juridiques du déni de grossesse et notamment de la responsabilité pénale de la mère infanticide.

Le décès peut survenir de manière accidentelle, par manque de soins, à la suite d'un traumatisme crânien ou à la suite d'une intervention de la mère. Selon le pédopsychiatre Dc Dayan, l'immense majorité des dénis de grossesse n'est suivi d'aucun acte malveillant, il évalue à moins de 1 % les dénis de grossesse suivi d'infanticides (1).

Qu’est ce qu’un déni de grossesse ?

Le déni de grossesse peut se définir comme le fait de ne pas avoir conscience de son état de grossesse. Cela peut durer que quelques mois ou tout le temps de la grossesse soit jusqu'à l'accouchement.

En France, des études évaluent à 1 à 3 cas de déni de grossesse pour 1 000 naissances par an en France, ce qui touche 800 et 2 000 femmes par an (2).  

Traditionnellement, on considérait que le déni de grossesse était plus susceptible d'apparaître chez les femmes jeunes, défavorisées, en difficulté intellectuelle et d'instruction, avec usage de drogue, ou problème psychiatrique.

Cependant, à compter des années 2000, les études démontrent qu’il n’existe pas de profil “type” du déni de grossesse, la majorité des femmes étudiées sont dans de bonnes conditions sociales.

Les infanticides, néonaticides, filicides

En santé publique, on désigne sous le nom d’“infanticides” le fait qu’une femme tue son enfant dans les 76 heures succédant l’accouchement. Le terme “néonaticide” est utilisé pour les morts d’enfants intervenant l’année de leur naissance. Enfin après l’âge de 1 an, on parle de “filicide”, c’est-à-dire d’homicide de sa filiation.

L’incrimination spécifique d’infanticide figurait à l’article 300 de l’ancien Code pénal défini comme “meurtre ou assassinat d'un enfant nouveau-né, commis avant l'expiration du délai de trois jours pour déclarer le nouveau-né à l'état civil”. À noter, que sous le régime de Vichy, ces crimes étaient jugés en correctionnelle, sans jury populaire.

Désormais, et ce depuis 1994, l'infanticide n'est plus mentionné dans le code pénal comme crime spécifique, il est englobé dans la catégorie générale de l'homicide sur mineur de moins de 15 ans.

Plusieurs qualifications pénales sont susceptibles de s’appliquer lors d’issues tragiques du déni de grossesse, toutes ont pour objet de protéger la vie humaine. L’article 221-4 du même code prévoit une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre lorsqu’il est commis sur un mineur de moins de 15 ans. Il n’y a pas de distinction si la personne est âgée de quelques heures, quelques mois ou 14 ans.

La matérialité de l’infraction est constituée par un acte positif. Ici il va être particulièrement important que l’avocat en charge du dossier consulte les expertises médico-légales qui servent à déterminer : cause de la mort, trace de coups… Il y a la possibilité de demander de faire des observations à la suite d’une expertise ou de demander une contre-expertise. En l’absence de caractérisation de cet acte, une qualification plus conforme aux faits sera retenue comme la négligence.

La problématique de l’intention est la plus grande difficulté de l’infraction. Le ministère public doit réussir à prouver l’intention de tuer. Pour cela, il faut que l’auteur soit en pleine possession de son libre arbitre.

C’est par le prisme du droit pénal que la question du déni de grossesse est réapparue sur la scène médiatique ces dix dernières années.

  • Affaire Véronique Courjault : le 18 juin 2009, elle a été condamnée à 8 ans d’emprisonnement pour le meurtre de ses 3 nouveau-nés, en 1999 en France, en 2002 et 2003 en Corée-du-Sud.
  • Affaire Dominique Cottrez : le 29 juillet 2010, elle a été condamnée à 9 ans de prison pour le meurtre de ses huits enfants nouveau-nés, après une discussion juridique sur la prescription ou non des faits.
  • Affaire Céline Lesage : en mars 2010, elle a été condamnée à 15 ans de réclusion, pour le meurtre de ses six nouveau-nés découverts dans une cave de Valognes. La mère avoue les avoir tués entre 2000 et 2007.
  • Affaire Ramona Canete : le 23 mars 2018 elle a été condamnée à 8 ans de prison pour le meurtre de cinq de ses enfants à la naissance entre 2009 et 2015.
  • Affaire Fabienne Kabou : elle a été condamnée en appel à 15 ans de prison pour avoir tué sa fille Adélaïde de 15 mois. Lors de son premier jugement en juin 2016, la cour d'assises l'avait condamné à 20 ans de réclusion criminelle.
  • Affaire Fiona : la mère de la petite Fiona, Cécile Bourgeon a été condamnée, le 11 février 2018, avec le beau-père de la fillette, à 20 années de réclusion criminelle en appel. Ils ont été reconnus coupables de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur le mineur de moins de 15 ans. Lors d'un premier procès Cécile Bourgeon avait été acquittée sur le fond mais est condamnée à cinq ans de prison pour non-assistance à personne en danger, modification d'une scène de crime et dénonciation mensongère de crime.

Alors même que le quantum maximum de la peine prévu est la réclusion criminelle à perpétuité, les peines prononcées par les Cours d’assises sont en comparaison très basses. Cela s’explique car dans ces affaires très souvent, le jury a opté pour une atténuation de la responsabilité liée à l’altération du discernement des mères infanticides.

Responsabilité pénale de la mère

La règle est posée à l’article 122-1 du code pénal qui fait la distinction entre :

  • les cas où la personne est atteinte d’un trouble ayant aboli son discernement dans ce cas la personne n’est pas juridiquement responsable de ses actes ;
  • ou le cas où la personne à son discernement altéré par un trouble psychique dans ce cas, la juridiction tient simplement compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine.

Or, la majorité de la littérature scientifique concernant le déni de grossesse évoque lors de l’accouchement “un état de sidération” chez la femme. Il ressort de l’état de la jurisprudence actuelle des cours d’Assises françaises que la sidération est un trouble n’« ayant [qu’]altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes ». Les mères sont considérées comme responsables et encourent donc une peine.

L’état mental de la mère à l’accouchement n’est pas considéré comme un facteur atténuant automatiquement la responsabilité de cette dernière (sauf exceptions, comme un déni total avec état psychotique reconnu).

Il est capital d'être bien accompagné pour ce type de problématiques. Il s'agit d'un sujet complexe où l'analyse des éléments psychologiques, psychiatriques et médicaux est capitale. Le cabinet se tient à votre disposition pour évoquer votre situation personnelle et trouver ensemble des réponses concrètes et efficaces à votre problème, n’hésitez pas à nous contacter.

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